mercredi 3 juin 2009

Friture sur la ligne.

Peut-on encore rire de tout? Et si oui, peut-on le faire au surlendemain d'une catastrophe aérienne? A priori, on serait tenté de dire oui.

Voici les arguments de la défense exprimés par Charb, un collaborateur de "Charlie Hebdo", au jour premier de la polémique: "Apprenez à lire un dessin, analphabètes crétins! Comme s’il était question de se foutre de la gueule des victimes! Il s’agit de se foutre de la gueule de la mort! Il s’agit de tourner en dérision la manière dont nos confrères se repaissent du malheur des victimes d’un fait divers géant. Et rien que ça: un fait divers."

Pour ce qui me concerne, le dessin de Riss ne m'amuse pas. Car, déjà on a connu de meilleures Unes. Et puis, aller ainsi jouer sur le terrain des Européennes... bof, bof. Si l'on veut être juste, aussi, il n'y avait pas que des Européens en âge de voter sur le vol AF 447... donc, il n'y aura pas 228 abstentions en sus, pour le scrutin de dimanche prochain. Loupé. Pan sur le bec comme écrirait le "Canard". Quant au reste...

Ceci dit, je ne suis pas indigné, ni outragé. Certes, je n'ai perdu personne sur ce vol. Aurai-je le même sentiment si cela avait été le cas? Si Riss avait perdu des membres de sa famille, aurait-il fait ce dessin? Beaucoup de "si". Trop de "si" qui auraient permis à l'avion de ne pas disparaître, au final. Car, on trouvera toujours quelque chose à redire.
Mais, il faut bien le dire, "Charlie a fait du Charlie", comme l'écrit aussi Charb. Ben oui, c'est aussi ça "Charlie". Susciter des réactions, même à des moments pas forcément opportuns, et pas nécessairement comme on le souhaiterait. C'est aussi ça la liberté de la presse. Et le "rire de tout" cher à Desproges.

mardi 2 juin 2009

Sur d'autres airs - Babooshka / La nuit je mens.

Lu par ailleurs dans "Sur un air de..."
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"Je n'ai jamais été bon en rythmique anglaise. Tu comprends quelque chose à la chanson", dis-je en me tournant vers Laurent, mon partenaire de nuit.
"Tu sais, moi non plus, alors je pige rien à ce qu'elle raconte..." me répond-il, tout aussi simplement, aussi sûrement que l'on entend le verre se briser sur le sol.

"Babooshka" nous accompagne donc, pour ce début de nuit. Il est déjà une heure trente. "She wanted to test her husband..." avance Kate Bush. Et puis après toutes les paroles s'embrouillent et je n'arrive à capter que quelques mots, par-ci, par-là... Rageant... Alors, je fredonne et marmonne au fur et à mesure des vitesses passées. Les rues de Paris semblent vidées de toute présence. Etrange. J'en fais la remarque à Laurent. Il ne fait qu'opiner, limite à grommeler, comme si je le tirais de sa torpeur nocturne. C'est aussi cela le travail en équipe. "Babooshka-ya-ya"... Verre brisé!

01 heure 33. Alors que nous naviguons sur le boulevard Haussmann, la radio crache une info. Un clochard aurait appelé le central pour signaler un fait suspect dans le Parc de Monceau. "Ca tombe bien, nous sommes à deux pas. Laurent, répond qu'on y go!"

"Central, ici BRI 735, nous filons sur Monceau. C.R. dès découverte du fait suspect.", arrive à articuler avec une pointe d'excitation mon collègue alors que je m'engage calmement sur Courcelles avec néanmoins ce deux-tons générateur d'adrénaline. Il faut ce qu'il faut. Pas de quoi réveiller les voisins, comme je le mets en sourdine.

Arrivés sur les lieux je demande à Laurent de rester à proximité du véhicule et je décide d'aller seul dans le parc. Holster dégrafé, la main sur mon automatique, j'avance. Ma lampe éclaire le chemin... Je tente de suivre les indications laissées par le SDF découvreur. Soudain, une chanson, je ne sais pour quelle raison, m'envahit la tête. "La nuit je mens". Comme Bashung, "j'ai dans les bottes des montagnes de questions". Que vais-je trouver? Où? Dans combien de temps? Et cet "écho... dans ma boîte crânienne".

Après quelques minutes de pérégrinations hasardeuses, finalement, je tombe sur un banc. La peinture y est écaillée. Passée. Au milieu, couchée, une petite vieille. Sans bruit, j'avance. Je me penche et vois la réalité d'une nuit sans âme qui vive. La vieille dort d'un repos éternel. Elle porte de part et d'autre de son cou des marques de strangulations. Quoique légères elles laissent tout deviner de la scène. J'avertis mon coéquipier. "Laurent, appelle une ambulance. On a un macchabée. Femme d'environ 70/75 ans. Morte par étouffement. On l'a étranglée. Terminé."

Je reste là, planté. Attente des secours qui ne serviront à rien. Mes bottes restent pleines de questions. La nuit aidera à avancer.