jeudi 4 mars 2010

Lettre à Frédérique H.

Chère Dorothée,

je viens de tomber, presque par hasard, sur une chanson de ton nouvel album qui devrait sortir à la mi-mars.
"On m'appelait Dorothée", assènes-tu dans ta douce et pathétique complainte. Car, tu parles - ou chantes, c'est selon - au passé. Et ce n'est pas un passé si simple. "Ces années folles", que tu mentionnes, sont, en effet, à des années lumières de celles qui reçoivent en écho ton nouvel opus musical.

Aujourd'hui, les enfants de l'an 2000 ne sont plus ceux que tu as connus sur Récré A2, ni ceux que tu as reçus, jusqu'à l'envi, dans ton Club de la plaine Saint-Denis. Oui, ma chère Dorothée, ce temps est loin. Notamment, depuis qu'une certaine Ségolène t'eut attaquée sur la violence des mangas que tu nous livrais, dans les années 1990. Nous croyait-on influençables à ce point? L'histoire ne le dit pas.

Mais, tout cela ce n'est que de l'histoire ancienne. Si cela peut te consoler, sais-tu qu'aujourd'hui des fans inlassables continuent à perpétuer ton souvenir. Quoique tu n'appartiennes pas encore au monde des vedettes disparues.
Mais, en connais-tu beaucoup des vieilles stars de la télé qui aient encore pareil réseau? Tu restes, quoiqu'il en soit, adulée et portée aux nues. Certes, ces fans, auxquels je n'appartiens pas, sont maintenant proches de la quarantaine et mesurent quelques bons décimètres de plus que toi ; ils n'en demeurent pas moins attachés à cette image que tu véhiculais, lorsque la célébrité était ton quotidien. A l'image de bien d'autres, tu étais, toi aussi, membre à part entière de nos cercles. D'amis, déjà. Ah la belle époque! Voici donc ce qu'étaient "ces années folles".

Aujourd'hui, alors que j'écoute presque en boucle ta complainte, je m'amuse à lire les avis de tes nouveaux auditeurs. Quelques uns d'entre eux sont d'anciens fans. Déçus, ils le sont pour plusieurs raisons. Ta voix a changé, argumentent certains, quand d'autres se plaignent de la simplicité des paroles et de la musique. Le temps a passé... et tu as changé, c'est normal. Plus posée, moins fofolle que du temps d'Ariane, Jacky et Corbier, tu aspires certainement à une vie plus rangée. Sûrement pour ne pas voir de trop près ce déclin qui vient...

Avant de te quitter, je voudrais te dire que j'ai bien regardé la photo qui accompagne cette lettre. Ton sourire cache quelque chose. Tes yeux, embués, en disent long sur celle que tu es devenue. Prisonnière de cette image véhiculée par le dieu Télé.

"On [t]'appelait Dorothée... et on passait de bons moments. [En regardant] des dessins-animés qui nous faisaient rêver". Aujourd'hui, le rêve a laissé la place à la dure réalité d'une vie déprogrammée. Mais pas encore tout à fait oubliée.

Tiens bon la rampe pour tous ceux qui te portent encore quelque part dans leurs cœurs.

Bien à toi.
Simon.

mercredi 3 mars 2010

Lettre à Didier B.

Cher Maître,

j'ai appris que vous aviez raccroché la robe sur la patère, samedi soir dernier. Et je dois vous dire, ou puis vous assurer, que cela m'a fait comme un drôle d'effet. Non pas que je fusse un de vos plus fidèles fans ou admirateurs ; mais plutôt parce que vous avez peuplé bon nombre de mes secondes parties de soirées du vendredi. Du temps béni où Julien Courbet, le Zorro de la Ménagère, présentait "Sans Aucun Doute".
Oui, pour sûr, vous étiez, à l'époque, devenu un membre à part entière de la famille. Nous n'étions décidément pas assez de cinq à la maison, faut-il croire. Vous étiez devenu, au fil du temps, comme ce lointain cousin germain dont on oublie souvent (voire toujours) le nom, mais que l'on aime bien, au fond. Il faut dire que vous souffriez d'une quasi homonymie avec l'autre ténor du Barreau, Me Jacques Vergès. Alors, pour ne pas vous confondre, tout un chacun avait trouvé son stratagème à lui. Pour tel, vous étiez connu sous le patronyme de "Maître la Bosse", pour d'autres vous n'étiez que le "Tu sais l'avocat de Courbet qui a le même nom -ou presque- que celui qui a défendu Barbie (le criminel, pas la poupée, ndlr)."

Du coup, dure vie que celle d'être avocat cathodique. D'aucuns, en leurs temps, vous auraient gratifié d'un jugement acerbe et cru: "Oui, l'autre avocat de télé qui a une tronche pas très cathodique"... Mais, aujourd'hui, alors qu'on sait qu'une crise cardiaque vous a emporté à l'âge vénérable de 66 ans, on est comme orphelins. On a, comme qui dirait, perdu un être proche. A poignée de télécommande vous étiez. Invité du canapé du vendredi soir, vous resterez. Même si la rupture a été consommée d'avec Julien C., vous resterez partie prenante de ce binôme éclatant. Pour sauvez les voisins empêtrés dans des histoires abracadabrantesques ou les péquins moyens noyés sous les créances et sur-endettés jusqu'au cou pour avoir acquis une encyclopédie en 72 volumes et en mandarin. Dure loi du marché télévisuel.

Aujourd'hui, de Zorro, vous êtes passé Bernardo. Silencieux ad aeternam.

Cher Maître, croyez bien en l'expression de mon amitié toute cathodique.