mardi 9 mars 2010

Lettre à Roger G.

Cher Roger,

alors qu'il sera 20 heures sous peu, je me dis qu'il faut bien que je vous envoie ces quelques lignes. En retard. Comme cette information que vous délivriez, chaque soir, lorsque vous étiez l'heureux présentateur de la Grand-messe sur TF1.
C'était une époque un peu psyché, colorée, libérée ; et pour autant, un soir de février 1976, la France que vous regardiez droit dans les yeux avait peur.

"La France a peur", lanciez-vous au soir de ce lundi 16 février 1976. Cette formule, toute personnelle, est devenue emblématique et vous a porté aux nues. Car oui, cher Roger, aujourd'hui encore, dans les écoles de journalisme on parle encore de cette accroche de JT. Parfois d'un ton un peu moqueur, il faut bien le dire, mais toujours avec cette espèce d'empathie qui anime bon nombre d'étudiants en quête d'érudition et sur le chemin du métier.

"La France a peur", ces quatre mots vous les avez dits aux Français avec un regard triste, presque angoissé. Abattu, vous l'étiez jusqu'au plus profond de vous-même et ce sentiment vous a accompagné durant tout votre journal. Acteur actif et passif de cette peur. Primaire. Cet enfant enlevé à qui on avait donné la mort aurait pu être le votre. Comme il aurait pu être celui de chacun de vos spectateurs. Pour sûr oui, il fallait que l'on ait peur. Cette peur qui assaille et fait douter.

Cher Roger, aujourd'hui, la France ne s'ennuie pas, comme on l'a dit à une époque -révolue-, mais elle a toujours un tantinet peur. Peur de se regarder en face, peur de voir où elle va, et peur d'aller de l'avant.
Si la France avait peur, hier, c'était à cause d'un fait divers tragique. On était alors face à un regard enfantin et placé en qualité de témoin d'une vie brisée.
Si la France a peur, aujourd'hui, c'est surtout parce qu'elle a oublié la suite de votre propos de ce lundi soir de l'année 1976. Après votre désormais célèbre "La France a peur" vous aviez poursuivi en ajoutant qu'il ne fallait pas se laisser submerger par ce sentiment primaire. Optimisme relatif oublié...

Journalistiquement vôtre.

Un cocker triste.

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