lundi 7 avril 2008

Tout un Monde.

- Bonjour, vous n'avez pas Le Monde?
- Vous venez de le dire.
- Pardon? répond le client, interdit.
- Eh bien oui, on ne l'a pas encore reçu Le Monde.
- Et pourquoi? surenchérit l'habitué du journal du soir.
- La flamme l'a brûlé, renvoie, du tac au tac, le kiosquier, habitué des bons mots.

La scène à lieu, en début d'après-midi quasi-olympique, à deux pas de la place Victor-Hugo, sur le même boulevard. Et ce n'est pas le premier passant à demander où en est Le Monde. Car, ici on a ses habitudes. Comme passer après Jean-Pierre Pernault pour prendre son journal.

- Le Monde n'est pas là, comment cela se fait-ce? interroge une petite dame très bien du quartier.
- Oh vous savez bien qu'on est les derniers servis dans le 16e, ose le maître des lieux. Alors, le temps que ça arrive, et puis avec cette histoire de flamme...

Jean-François est le prénom de cet inconnu qui livre les nouvelles contre espèces sonnantes et parfois trébuchantes. Surtout quand la main se retire alors qu'une autre renvoie 1 centime d'euro sur Télé 7 jours. Quelle idée, d'ailleurs, de vendre un magasine 0,99 euro? Mais le propos n'est pas là. Quoique cela inquiète ou laisse s'interroger notre ami du kiosque. Toutes ces pièces cuivrées ainsi laissées, presque en geste de dédain... Il n'en a cure , après tout, il y a bien plus grave. Parlons de cette flamme. Tantôt éteinte, tantôt allumée. Tantôt en marche, tantôt enfermée. Tant et si bien que l'on ne sait plus qui fait quoi. Et puis, où est-elle d'abord? Probablement dans Paris, à l'heure qu'il est. Ou prête à repartir vers quelque autre manifestation, dans un autre pays. Tout un monde pour une flamme. Mais quelle flamme!

- Bonjour, dîtes, la rue Leroux, c'est par où? apostrophe un passant las de passer et de chercher son chemin.
- Alors là, je ne peux pas vous dire. Désolé, répond notre bon Jean-François.
- Merci, je vais aller demander ailleurs, termine l'homme perdu.

- Bonjour, vous vendez du papier à lettres? interroge une lycéenne en manque de velin.
- Ah non mademoiselle, je n'ai pas de ça ici...
Dans la foulée des talons qui se sont tournés, s'adressant à moi sur le ton de la confidence, le passeur de journaux me livre ceci, éloquent: on croit que je vends de tout ici, des tickets de métro, du papier à lettre. Eh bien non.

Il passe déjà toute la beauté du monde sur papier et ses atrocités aussi, parfois. Alors pourquoi s'éparpiller en voulant charger la mule. Déjà qu'il vend des cartes de téléphone... on va s'arrêter là pour le superflu.

- Bonjour monsieur, je voudrai dix Malabars, chuchote une fillette d'une dizaine d'années.
- Et voici mademoiselle. Attention, il faut de grosses mains pour tous ces bonbons.

Parce que les nouvelles sont périssables et les bonbons tellement bons, le cœur de Jean-François doit hésiter dans cette valse à quelques temps.

Les yeux de la gamine pétillaient. Les yeux des lecteurs n'ont plus cet éclat qui manquait à cette flamme, aujourd'hui.

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