mercredi 13 février 2008

A côté d'un Michelin pour rien.

Hier soir, à la fin du repas, dans un petit restaurant italien très bien, et alors que le lieu était vidé de ses hôtes, le chef est venu parler à Laura. N'ayant pas assisté au début de cette conversation entre initiés -Laura poursuit ses études en cuisine- j'ai donc pris une position d'observateur que j'aime adopter assez fréquemment. Quoique en retrait, mais dans le cercle, j'opinais de temps à autres pour montrer mon intérêt -réel- à ce qui se tramait en salle. Le chef, prénommé Haro et dont la cuisine est proche du sublime, expliquait comment il faisait tourner sa boutique composée d'une trentaine de couverts. Néophyte en ce domaine restaurateur, j'écoutais attentivement. Le temps était comme suspendu.

L'homme, avec un accent fort italien, raconta les premières semaines de ce restaurant, avec ces clients qui arrivent à minuit et que l'on sert avec un sourire et passion, les ravitaillements chez les fournisseurs, l'ambiance en cuisine... La face cachée de l'assiette, finalement.

Et puis, Laura a voulu en savoir plus. Sur l'évolution du rythme, le nombre d'employés. Un interrogatoire de police, de prime abord, transformé, à y écouter de plus près, en cours socratique. C'est donc tout naturellement qu'Haro a tiré une chaise pour assoir ses pensées et donner un ton de confidence à cet échange d'initiés. "Tout ce qui est dans la carte, ce sont mes recettes. J'en ai encore beaucoup d'autres, mais cela prend trop de temps. Après, les gens ne comprennent pas toujours qu'il faille attendre un peu plus longtemps." Réponse de Laura, très à propos, concernant le mode de vie actuelle: "Oui, maintenant les gens pensent qu'au restaurant, on peut manger comme à Mc Do." Comme pour rebondir, quelques phrases après, le chef raconta avoir reçu, un jour, un inspecteur du guide Michelin. "Je l'avais repéré, et je pense qu'il était déjà venu... mais, c'était avant que je fasse les travaux." Car, avant le chantier, les nappes étaient en papier, comme les serviettes, notamment. A la fin de son repas, le bonhomme du Michelin se confia au patron en ces mots: "La cuisine est très bonne. Vous méritez d'être dans le guide. Mais pour deux raisons, vous ne pourrez pas. La première, c'est ça, lança-t-il en montrant la nappe et sa serviette. Et la seconde: on a besoin de plus de place, que l'espace soit plus aéré."

Philosophe, Haro conclut, hier soir, avant que l'on se sépare: "Les nappes et serviettes, je les ai reçues peu de temps après. Quant au reste, je peux pas encore pousser les murs."

Que l'on dise au chef qu'il a toutes les qualités pour être dans le petit guide rouge et qu'il le mérite, c'est une victoire. Une victoire d'autant plus juste que tous ses plats sont préparés à la commande. "Les champignons, je les coupe quand on me les demande dans un plat. C'est comme la cuisine à la maison".

Etre reconnu par ses clients qui deviennent habitués, cela a toujours un autre prix que quelques lignes perdues dans un guide, quand bien même fit-il autorité en la matière.

1 Commentaire(s):

Anonyme a dit…

haro sur le baudet... Non pas du tout. plutôt sympa l'osservatore qui silencieusement ne se contente pas d'assister en spectateur à l'échange mais se laisse habiter par les personnes, les lieux pour restituer des senteurs, des goûts et des couleurs.

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