vendredi 15 février 2008

La mémoire dans la peau.

Cela fait grand bruit. Tous les élèves de CM2 devront, bientôt, se souvenir de la mémoire de quelque 11 000 jeunes juifs français déportés, sous le régime de Vichy, durant la seconde guerre mondiale. Une nouvelle initiative présidentielle. De nouvelles critiques. Quoi de plus normal? Revenons, brièvement, sur cette polémique très intéressante et révélatrice.

Déjà, je dois dire que cette mesure n'éveille pas chez moi la même réaction que celle des syndicats d'enseignants, des médias, etc. Je me dis: ma foi, pourquoi pas?

Ce midi, j'ai entendu ce qui suit de la part d'un enseignant solidement syndiqué ou pseudo-psychiatre (retranscription avec mes souvenirs et mes mots): "Cela n'apportera rien et va plutôt traumatiser les enfants". Voici, grosso-modo, la pensée actuelle. C'est très condensé, mais l'esprit est là. Je passe sur le fait que le politique s'invite dans le pédagogique... vous m'en saurez gré.

Soyons clairs. Se souvenir n'est jamais néfaste. On a tendance à oublier que la déportation et l'extermination ont aussi touché des adultes, des vieillards, des jeunes, des enfants, des hommes, des femmes, des tziganes, des slaves, des homosexuels, des communistes... On se souvient surtout de la Shoah, et pour cause. Les juifs ont payé le plus lourd tribu, sans pour autant être les seuls à être déportés.

Est-ce alors traumatisant de se souvenir de tout cela et d'avoir, de temps en temps, une pensée pour nos aînés ayant subi la barbarie humaine? Car, ils avaient notre âge et n'étaient coupables de rien, sinon d'être placés sur de longues listes d'ennemis à anéantir.

Qu'un élève de CM2 sache cela, qu'il se souvienne qu'à son âge, à une époque pas si lointaine, un enfant semblable à celui qu'il est, aujourd'hui, a été déporté et tué. Sans raison. Bêtement. Brutalement. Bestialement. Qu'il mesure sa chance, aujourd'hui, de vivre dans un monde loin d'être parfait, mais relativement en paix. Et qu'il lise Joseph Joffo. Un Sac de billes. D'ailleurs, y joue-t-on encore, de nos jours, dans les cours de récréation? Ou les a-t-on aussi abandonnées? Qu'on lui fasse aussi écouter "Nuit et brouillard", admirablement chantée par Jean Ferrat.

"On me dit à présent que ces mots n'ont plus cours
Qu'il vaut mieux ne chanter que des chansons d'amour
Que le sang sèche vite en entrant dans l'histoire
Et qu'il ne sert à rien de prendre une guitare

Mais qui donc est de taille à pouvoir m'arrêter ?
L'ombre s'est faite humaine, aujourd'hui c'est l'été
Je twisterais les mots s'il fallait les twister
Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez..."

Ce souvenir, pour paraphraser Ferrat, ne doit pas rester à genoux, mais debout. Car, l'homme est fait pour vivre ainsi. Et un enfant est sûrement plus traumatisé par la violence des comportements qu'il peut voir au journal télévisé, que par le passé de l'humanité.

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